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« La fabrique de l’extravagance », l’exposition de la crème de la porcelaine
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Avec son long cou arqué, son bec lissant ses plumes sèches ou humides, le grand héron de Frédéric-Auguste Ier de Saxe, dit Auguste le Fort, joue les courtisans gracieux au château de Chantilly. Cette faïence d’une virtuosité et d’une taille remarquables (73 cm) incarne les prouesses de la manufacture de Meissen, qui avait réussi à percer en 1708 le secret chinois de la porcelaine dure. L’électeur de Saxe et roi de Pologne avait commandé 650 animaux de ce genre, dont une moitié de volatiles, à ses artisans, afin de recréer une ménagerie et une volière immobiles au cœur de son Palais japonais. Le souverain était réputé « malade de la porcelaine », au point d’avoir échangé en 1717 tout un régiment de dragons contre une centaine des fameux « bleu et blanc » de Chine. À la fin de sa vie, sa collection comptait quelque 25 000 pièces. Et les porcelaines de Meissen, plébiscitées en Europe, assuraient la publicité d’un Auguste le Fort bien faible sur le plan diplomatique.
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La folie de « l’or blanc » importé d’Asie, via la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, n’était pas son apanage. Elle avait stimulé, dès la fin du XVIIe siècle, la création d’une fabrique de porcelaine tendre à Rouen, puis à Saint-Cloud. Vers 1730, Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, éphémère premier ministre du jeune Louis XV, se consola de sa disgrâce en lançant de grands travaux dans sa résidence de Chantilly et, lui aussi, une manufacture de porcelaine. Dans le but de rivaliser autant avec l’Asie qu’avec Meissen, dans une « fabrique de l’extravagance » aujourd’hui exposée à Chantilly.
Copié-collé de Chine
Le décor rocaille des grands appartements du château, créé par ce prince, retrouve ainsi quelques-unes des 2 000 porcelaines de sa collection, mises en présence de prêts des musées de Dresde et d’amateurs privés. Dans la Grande Singerie, le scénographe Peter Marino a juché des singes de faïence sur des branches en bois doré, comme une jungle de fantaisie. Dans la Galerie des batailles, il a dressé deux tentes pourpres, transformées en volières pour les oiseaux de Saxe, terriblement réalistes, à l’image de ce faucon dévorant une souris sanguinolente. En face, sur de faux rochers d’or, deux petits lynx de Chantilly affrontent des léopards de Meissen, aux côtés d’éléphants des deux manufactures et de Chine, tous parfaitement à l’aise dans ce magasin de porcelaines. Un brin sans-gêne, le designer a même posé ses vitrines sur les précieux meubles Boulle du prince, pour y présenter ses vases, comme jadis. Tout cela divertit autant que l’inventivité des 130 pièces réunies.
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À leurs débuts, les manufactures de Meissen et de Chantilly se contentent de copier littéralement les vases de Chine ou du Japon. Voyez cette bouteille à saké, reproduite à l’identique par les deux fabriques rivales ! Chantilly se fera même une spécialité de ces décors Kakiemon. L’illusion est telle que des marchands indélicats vendront même ces vases au prix de coûteuses pièces d’importation, en y ajoutant de faux caractères chinois. Les mêmes merciers adaptent aussi les productions asiatiques au goût occidental, avec des piédouches et des montures en bronze. Telle cette paire de chiens Fô, turquoise et indigo, autrefois transformés en girandoles (candélabres), pour le prince de Condé.
Des pièces de plus en plus exubérantes
Puis les créateurs s’émancipent. En 1720, le peintre Horöldt donne un lustre et des couleurs nouvelles à Meissen avec ses chinoiseries serties entre des filets d’or. Dix ans plus tard, le modeleur Kändler s’abandonne, lui, à des pièces de plus en plus exubérantes, comme notre héron, qui a nécessité sept mois de séchage avant de pouvoir être enfourné.
Chantilly reprend ces motifs à succès, à moindre échelle faute de maîtriser la porcelaine dure. Elle mise sur le crémeux de ses pâtes. Et participe, dans les années 1740-1750, à cette efflorescence rococo, pleine d’humour et de fantaisie. Les marchands merciers parisiens n’y sont pas pour rien qui osent d’audacieux métissages, telle cette pendule mariant un vase Qing, un musicien, un faisan et une souris de Meissen et des fleurs de Chantilly ou de Vincennes. Sans oublier le clou de l’exposition : une fabuleuse pendule à orgue présentant un concert de singes musiciens, modelés à Meissen et montés à Paris par Jean-Claude Chambellan, dit Duplessis. Le chef d’orchestre cacherait une caricature probable du comte de Brühl, alors premier ministre à la cour de Saxe !
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